Voilà pourtant comme je serai dimanche.

Odds and ends


44 rue de Sévigné - Paris, 3ème
Du 17 février au 26 mars 2024

Inès Fontaine et Wanda Buf observent notre façon de faire disparaître de l’intime. Coupant tout lien, on referme des couvercles sur les multiples choses qu’on ne souhaite plus voir. Nos déchets seront regardés par d’autres, triés, brûlés, enterrés plus loin. Le vide amené par un déménagement scelle une séparation, permet de rompre et se recréer ailleurs. Se séparer d’un objet autorise l’autre à voir et emporter une partie de nous rendue publique. Rupture, deuil, foyer qui s’agrandit, la vie et la mort rendent possible ce grand étalage d’objets sans lien apparent, souvenirs superposés sur les trottoirs ou dans les décharges. Que gardent-il des intérieurs dont on les a retirés et de celleux qui les ont possédés ?

Jusqu’au 19ème, toute matière abandonnée avait vocation à être réutilisée. Les chiffons en lin et coton devenaient papier, les os de fin de repas - des jeux, et on ne se séparait jamais d’un chaud manteau d’hiver. Le devenir déchets des espaces domestiques interroge la qualité de ce qui nous entoure. L'impossibilité actuelle de recycler certains objets en raison notamment des substances qui les composent renvoie à l’abondance de faux et de simulacres qui cernent notre quotidien de décors factices (simili bois, simili verre, tissus synthétiques).

L’exposition présente un assemblage d’objets ayant appartenu un instant à la ville. Glanés par le duo à Belleville, l’installation est le fruit d’une extraction minutieuse de lambeaux relâchés dans l’espace public car jugé sans valeur (fragments de murs, fenêtres, piano de cuisine, débris de meubles, verres…). L’ensemble est broché de pièces de bronze reprenant la forme de la biffe des chiffonnier·ères. La préciosité du métal tranche avec la modestie des matériaux enchâssés. En chiffonnier·ères, les deux artistes requalifient ces morceaux de l’intime formant une esthétique du prélèvement. L’ensemble crée une phrase désarticulée produisant sa poésie propre, tel un anagramme.

Que dit notre besoin de repousser hors de notre vue, la chose vieillissante, l’objet défraîchi, abîmé ou cassé, qui ne serait plus fonctionnel ? Nos sociétés obsédées de nouveauté font un lien entre la fin de vie et la saleté. Et tout en étant si dérangé·es par ce qui est périssable, nous renonçons à faire durer les biens dont on s’entoure.

Inès Fontaine et Wanda Buf composent à partir de choses rejetées et nous confrontent à la souillure. Trois photographies sous verre transférées sur du textile broyé sont présentées comme des reliques. Elles réactivent une transformation usuelle avant l’industrialisation du procédé, qui permettait de produire du papier à partir de linges. Les artistes proposent en un sens une forme contemporaine de vanité qui nous force à regarder ce qu’il est si pénible de voir. Elles adressent à leur façon l’incessante question de l’art et sa profanation : à partir de quoi et sur quoi créer une œuvre et peut-on supporter sa destruction.

Photographies : © Inès Fontaine

25 mars. Les chiffonnier·ères sont des figures incontournables du XIXe, aujourd’hui disparues, qui ont précédé notre société du tout jetable. S’intéresser à leur travail de glanage de déchets des rues parisiennes permet d’aborder notre relation à l’objet usé. Quelle attention porter à ce qui reste, aux résidus de la vie humaine ? Qui sont les chiffonnier·ères d’aujourd’hui ?

Conversation avec Caroline Ibos, Sociologue et Professeure à Paris 8. Directrice du Laboratoire d’Études de genre et de sexualitéCo-directrice du Groupe de Recherche Interdisciplinaire sur les Domesticités

En présence des artistes Inès Fontaine et Wanda Buf.

Lundi matin, après la révolution qui s’occupera des poubelles ?”