Samuel Eckert

Samuel Eckert compose avec nos temps de solitude. Il met en haut de l’affiche la pensée que l’on inscrit dans le carnet qu'on rature, puis qu'on cache. Il relève le rôle que joue dans un quotidien un film de Tom Hanks ou une pizza refroidie. 

Il fait place au plaisir du tremblement, repousse derrière la ligne la peur des moments cuisants et de l’angoissante page blanche. La rayure qui souligne fait céder le silence obstiné des objets de la vie ordinaire et donne une partition à ses mélodies entêtantes. Ses lettres colorées sont comme des notes, qui se lisent séparément avant de former un tout - une musicalité rappelant les anagrammes multicolores de Jean Dupuy.

En plus des murs et des coins de table, Samuel Eckert s’empare du papier de l’écrivain et de la toile du peintre. Il détourne avec une douce insolence jusqu’à la déprimante page A4 de nos impressions quotidiennes. Il appose la peinture d’écriture sur les multiples supports de notre société de communication. Son travail de récupération et de réécriture, auquel son séjour canadien a donné des touches anglo-saxonnes, peut se relier aux mordants slogans de Brad Philips ou Douglas Coupland.

L’artiste choisit la collaboration et la polysémie qu’elle crée. Ses projets avec des marques ou des artistes le font entrer dans tous les milieux avec une facilité prodigieuse. Il ne craint pas la vieille distinction art-marchandise définitivement éclatée depuis le pop art et, comme David Shrigley, s’amuse de la consommation du texte, du bon mot qui ne peut produire qu’une fois son effet. Ce qu’il reste après cette première fois ? Le trait de l’esprit, sa texture, son goût. Les lettres se dégustent, le gras de leur couleur fond dans une sauce colorée.